issbill

Braves soldats, dormez ! Allah est là. Il protégera le Mali

Encore un bilan lourd. 17 morts et 35 blessés après l’attaque du camp militaire de Nampala. Une fois n’est pas coutume. Malheureusement ce n’est pas la première fois qu’un camp, un poste, un village ou une ville se fait attaquer aussi facilement par des individus qu’on IDENTIFIE jamais! 

Notons que Nampala, elle seule, en est à sa énième attaque.

Attaque du camps militaire de Nampala, journal du Mali.
Attaque du camps militaire de Nampala, journal du Mali.

En février dernier, c’était un poste de la douane qui avait été attaqué à Hombori dans la région de mopti. Même scénario: Des individus toujours NON IDENTIFIES.

 

Attaque d'un poste Douanier, à Hombori. Sahelien.com
Attaque d’un poste douanier, à Hombori. Sahelien.com

 

En 2015, c’était le village de Fakola dans le cercle de konlondieba qui était victime d’une attaque. Ce jour encore, les assaillants avaient eu le temps de pénétrer dans le village paisiblement, de piller et d’en ressortir sans être inquiétés comme si le cercle ne regorgeait pas de forces de l’ordre en son sein. Les habitants, indignés avaient marché, mais…pouf !

 

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Même en pleine capitale, des postes de polices sont attaqués sans que l’on ne réussisse à identifier les auteurs. C’est pas abusé là ! On me dira certainement qu’il n’y a pas qu’au Mali que ce genre de situations se produisent mais…

 

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Soyons sérieux!

Une fois, ok. Deux fois, ok. Quand ça ne finit pas, ça devient quoi finalement…?

…de la foutaise!

 

 

La rituel
Le chef de l’Etat et son équipe après l’attaque de Nampala

Comme toujours, on se retrouve autour d’une table, dans un endroit bien luxueux. On blablate bien. Parole, parole, parole et puis après quoi?

 

Chers soldats…

quand on décide de faire quelque chose, il faudrait le faire avec le cœur. Et puisque vous avez choisi le sommeil, voici quelques lignes d’encouragements, taillée spécialement pour vous:

Dormez braves soldats! Dormez! Ne prenez pas de la peine. Laisser vos fusils. Armer vous plutôt de draps et de somnifères. Ceux qui ne veulent pas vous voir dans les bras de Morphée, sont juste jaloux. Ils sont jaloux de vos tenues neuves. Jaloux de vos salaires et de tout le confort dans lequel IBK vous a mit. Dormez seulement. Mettez vous dans des positions plus confortables afin d’être mieux emportés par le sommeil. Dormez jusqu’à ce que ronflement s’ensuive. Transformez les postes en hôtels de passe, avec tout le nécessaire afin que les lits soient encore plus doux. Ne vous douter point de ce qui pourrait se passer à 200 m de votre zone, encore moins de la sécurité de votre population. C’est Dieu qui sauve. Allah est là, il montera la garde nuit et jours. Ok ! Dormez bien. Les assaillants viendront et puis quoi? Il feront ce qu’ils ont a faire et c’est tout. Personne ne doit vous empêcher de vous mettre à l’aise. Personne! Même pas IBK lui même. Il n’est pas Dieu après tout! ll est trop préoccupé par la succession de son Karim qu’il est en train de préparer. La vérité est que monsieur « Incha Allah » manque de sommeil et voudrait que vous en manquiez aussi. Vous êtes prévenus. Ne vous faites donc point avoir, dormez! Si la faim vous tiraille, dormez encore et encore. Fermer les paupières et forcer le sommeil. La faim passera car l’adage dit: Qui dort dîne. Mais je ne pense pas que vous ayez faim. Votre situation a été fortement améliorée selon les dernières informations. Et puis quoi? Cela doit donc vous empêcher de « sunôgô*? » Jamais! Dormez les gars. Faites vos trafic à l’aise sans vous prendre la tête. Ne vous laissez pas intimider par un chef d’Etat major qui croit que les problèmes se règles à coup de blabla…quelque part dans un fauteuil à des centaines de mètres d’une zone attaquée. Si jamais quelque chose de pire se passe, les maliens feront porter le chapeau au ministre de la défense. Il saura lui, qu’être ministre, c’est aussi cela: Savoir assumer ses responsabilités mais aussi porter pas mal de chapeaux. À vous, l’on ne dira rien. Dormez donc, je vous le répète encore. Et puis vous êtes entrés dans l’armée juste pour échapper au chômage, sinon rien à foutre d’elle n’est-ce pas? Vous n’êtes pas là pour vous battre, ou bien? C’est pourquoi quand c’est chaud, vous prenez vos jambe à vos cous. Bravo! Bravo une fois de plus. Bravo avec un gigantesque B. Tout le monde n’arrive pas a fuir devant des assaillants. Vous, vous réussissez a prendre le large par-ce que vous êtes des G A R C O N. Je vous félicite pour ces couilles de fuyards que vous avez. Fuyez, fuyons tous, Allah va sauver le Mali. Prions et laissons le patriotisme aux patriotes. Dormons tous très bien et faisons nous surprendre à chaque fois. Pour que le réveil soit sanglant comme toujours, le sommeil doit d’abord être profond. Dormez alors. La fameuse phase « Repose en paix! » viendra toujours en signe d’encourager afin que ce sommeil soit encore plus doux et durable.

#JeSuisNampala.


La drogue ne fera pas de toi le génie que tu n’es pas.

Rap attaque,
Rage de vaincre au micro, Rap.fr

Au lycée, en 2009, j’avais rencontré un groupe de jeunes avec lesquels je partageais la même passion : le rap. Chaque vendredi soir, à la descente, je les apercevais dans un couloir non loin du lycée, en plein freestyle* . J’avais déjà entendu Akhenaton du groupe Iam, dire lors d’une interview que faire des freestyles était très important pour améliorer le flow et rapper facilement. J’écoutais Diam’s en boucle à l’époque et je connaissais par cœur son album « Dans ma bulle ». J’avais même commencé a écrire des textes, mais je ne savais pas improviser et depuis un certain moment je me disais que je devais combler cette lacune. Alors, un vendredi soir, j’avais décidé d’aborder la bande d’MCs :

 

Salut les frères.

Bien ou quoi négro? demanda l’un d’entre eux.

 

Oui ça va, répondis-je.

 

C’est quoi ton problème ? reprit le même.

Je leur expliquais que cela me ferait trop plaisir de faire des freestyles avec eux de temps en temps car je kiffais* trop leur team et leur manière de rapper.

Vas-y montre nous ce que tu sais faire, me lança celui qui était à côté de moi, en entamant un beatbox*.

Je commençais alors a rapper avec toute mon énergie, en essayant de donner le meilleur de moi-même. Après une minute, ne sachant plus quoi dire, je m’arrêtais enfin. L’un d’eux qui devait surement être le plus grand se tint devant moi dans une posture de professeur :

Pas mal, pas mal. C’est quoi ton blaze* ?

Je ne m’appelais pas encore le blacknegronoir à l’époque.

Iss Bill le killeur, j’ai répondu.

Ah ah ah, éclata-t-il de rire. Les mecs vous avez entendu? déconne pas négro, t’es plutôt un caresseur pour l’heure.

Aussitôt, le rire devint collectif. J’avais compris. C’était une manière que les anciens utilisent généralement pour intimider les nouveaux dans ce domaine. Après presque trente minutes d’improvisation, je devais rentrer car il était 19 heures et j’habitais un peu loin du lycée. Je connaissais la date de la prochaine séance de freestyle. On s’est « tchek de l’épaule » et je me suis barré.

Une partie de la cour du lycée en question où j'ai fais mon second cycle.(Lycée municipal Gadié pierre de Yopougon) La direction que vous voyez entre ces deux batiments, mène directement à l'endroit où nous fausions les freestyles.
Une partie de la cour du lycée où j’ai fait mon second cycle (le lycée municipal Gadié Pierre de Yopougon). La direction que vous voyez entre ces deux bâtiments, mène sans détour à l’endroit où nous faisions les freestyles.

Malheureusement, après cinq autres séances, je ne m’entendais plus trop avec eux. Pourquoi ? Par ce que je refusais simplement de fumer. A chaque fois qu’on rappait, l’un d’entre eux sortait de sa poche un papier blanc, contenant de l’herbe qu’il enroulait dans un autre papier, l’allumait, se mettait bien avant de le passer aux autres. Lorsqu’on me le tendait à mon tour, je refusais. Avec respect bien sûr. Une fois, deux fois, trois fois, je refusais toujours. Cela a fini par les agacer car certains n’aimaient pas du tout cette attitude de petit Jésus parmi les ghetto youth* . Pour eux, j’étais dangereux.

On peux ap le sser-lai ainsi mi-par nous. Il va nir-fi par nous se-ba-lan, avait déclaré le plus agité.

Il avait parlé verlan, croyant que j’avais pas compris. La phrase était celle-ci: « On ne peut pas le laisser ainsi parmi nous. Il va finir par nous balancer » (les dénoncer pour possession de drogue, il voulait dire). Les autres finalement avaient été convaincus, se disant que ce que leur pote venait de dire n’était pas du tout négligeable. Ils étaient en fin de compte unanimes. C’était soit je fume et je reste avec eux ou je ne fume pas, et je me casse.

Je ne savais pas pourquoi ils avaient si peur.

Moi, les balancer! Quelle idée…? J’ai jamais été une balance putain! Qu’ils fassent tous ce qu’ils veulent. Je m’en battais les c***. Je demandais rien d’autre que rapper moi! : voilà ce que je me disais tout bas.

Je les aimais bien parce qu’ils étaient de bons MCs, mais il fallait aussi faire un choix. Je suis finalement parti.

Leurs convictions

Ils me disaient qu’on ne peut pas faire une belle carrière d’artiste sans la drogue. En exemple ils m’ont parlé de 2 pac, biggie, Eminem, Nas et toutes les autres stars américaines : Rihanna, Beyoncé et j’en passe. La drogue, selon eux, développait les facultés cognitives et était très importante pour la création artistique.

The Game, rappeur americain, brandissant fierement de l'herbe.
The Game, rappeur americain, brandissant fièrement de l’herbe. Booska p

Mes convictions

Je ne voulais pas fumer pour la simple raison que je préfère toujours être lucide. J’avais lu pas mal de documents sur les effets liés à la consommation de drogue qui faisaient que j’avais toujours peur d’elle : l’anxiété, le paranoïa, et surtout la dépendance qui, à la longue, peut nous rendre dépressif. Je savais aussi qu’elle était dangereuse pour la santé en général car en plus du cerveau, elle pouvait aussi affecter le foie, les reins et les poumons. Je ne vais pas dire que je suis plus fort que les autres mentalement. Rien ne m’empêchait de me droguer à l’époque. Je crois que c’est le ciel qui m’a simplement épargné. C’est pourquoi, je ne dis jamais jamais!

 Je me dis que la drogue peut nous éveiller (pas dans le sens de comprendre quelque chose, sortir de l’ignorance, mais plutôt nous empêcher de dormir, nous rendre agité). Mais, faire de nous le génie qu’on n’est pas, je crois pas!

Freestyle: Mots anglais, composé de « free » (libre) et style. Désignant le genre libre. En rap géneralement le freestyle est synonyme de l’improvisation

Kiffais: Argot français. De kiffer. Signifiant, aimer.

Beatbox: Rythme émit avec la bouche en imitant des instruments,

Blaze: Surnom.

Tchek de l’épaule: Manière de se saluer propre aux jeunes du mouvement hip hop qui consiste à joindre les épaules droite et gauche.

Ghetto youth: Qui vient du ghetto.


Je t’aime Gao. Toi non plus?

Armée malienne, à Gao.Image, Rfi.fr
Force de sécurité malienne à Gao.Image, Rfi.fr

Le déparage de la police.

Tirer à balles réelles sur des jeunes non armés, peu importe le motif, est simplement condamnable. Ou bien certains voudraient qu’on l’appelle comment ? Tirs légaux sur manifestants à encourager? Mon oeil! grosse bêtise policière plutôt. La police et l’armée malienne ont la gâchette trop facile. On ne peut pas être gardien de la population et lui tirer dessus aussi facilement, comme sur un groupe d’animaux sauvages. La retenue est très importante pour tout porteur d’uniforme et je n’ai pas besoin de passer par le prytanée militaire de Kati pour le savoir. Le Mali a besoin d’être réunifié à présent. Les Maliens sont fatigués. Certains n’ont pas encore fini de pleurer leurs parents que vos stupidités ont fait disparaître. Le Mali sera un. On a pas besoin de tirer sur des gens pour y parvenir, ça viendra. Que cela prenne tout le temps possible pourvu que l’on soit épargnés de toutes ces atrocités connues durant ces quatre dernières années. Comme le dirait Alpha Blondy, « ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fera baisser la fièvre« . Il faut travailler d’abord avec la tête. Le Marfa (fusil en bambara) vient après. Alors carton très très trèèès Jaune aux forces de sécurité

Les manifestants en action. Mali-web
Les jeunes de Gao, en pleine manifestation. Image, Mali-web

En revanche, que veut Gao… le KO?

Si Gao ne veut pas de la mise en place des autorités intérimaires, que veut-il finalement ?

L’armée a tort, d’accord. Mais les manifestants ont-ils raison ?

La question reste posée… Non, non, non! Nous allons répondre.

Tout commence par une marche. De quelle nature est la marche ? Elle est non accordée. Ce qui l’a rend automatiquement illégale. Donc carton très très trèèèès jaune aussi aux manifestants. Pourquoi la marche n’a-t-elle pas été accordée? Pour des raisons sécuritaires, car c’est important de préciser que le pays est en état d’urgence jusqu’au 15 juillet. Tâchons de rester dans l’impartialité. Le faite de condamner cette répression insensée de l’armée ne gracie pas pour autant les manifestants, car eux non plus n’ont pas respecté la légalité. Cette jeunesse de Gao est juste manipulée par des partisans de la division, assis paisiblement à l’étranger.

Je suis le slogan « Mali un et indivisible« , j’aime Gao. J’attends impatiemment qu’il me dise un jour : moi non plus.

Paix aux âmes des disparus, et prompt rétablissement aux blessés.


Et pourtant,il était si grand!

J’étais au seuil de mondoblog,
Quand tu regagnais la morgue.
J’ai vu des plumes te pleurer,
Lorsque j’étais là à m’interroger.

C’est qui ce fameux Florian
duquel l’on parle tout le temps?
Il était si important celui là?
Oh chialeurs! On est où là?

Clic clac, sac au dos, plume en main,
Je me disais en cherchant mon chemin.
Si je dois aussi pleurer cet inconnu,
alors je m’en vais comme je suis venu.

Et qu’on ne me retienne surtout pas
Comme l’a fait avec lui le trepat.
Puis j’ai decouvert par la suite l’homme.
Son blog, sa grandeur, Florian en somme.

Mon inconscient ne savait pas que
Tu étais tout, oui tout ou presque.
Un vaillant guerrier des mots.
Celui qui, sans gants ni manteaux,

prenait toujours l’arme à temps,
pour braver foudre, orage et harmattan.
Je me suis surpris en pleure
pendant que me disait mon coeur:

Il ne faut pas confondre
Issouf, encore moins fondre.
Il n’est pas mort, Kaptue.
Il s’endort, captes-tu?


Les dents stridentes du ramadan (Cinquième et dernière partie)

 

Marché de raïda à Bamako. Image Maliweb.
Marché de raïda à Bamako. Image MaliActu.net

La circulation est dense. Tout le monde est pressé. Dans les sotrama, les prises de bec entre apprentis et passagers sont inévitables.

-Poussez madame!
-Je ne pousse pas. Il n’y a plus de place.
– Si, sinon je ne vous aurais pas demandé de pousser, donc exécutez vous.
– Hé, toi petit impoli là, j’ai l’âge de ta mère hein! Respecte moi, et puis je ne vais pas payer 200 franc Cfa pour m’assoir inconfortablement ok?
Quelques personnes à côté s’acharnent sur l’apprenti pour soulager la femme indignée.
– Maman laisse le avec ses problèmes, avança un homme. Son voisin.
Le jeune apprenti vit ce genre de situations quotidiennement. Serein, il allume sa cigarette, tire une bonne bouffée avant de répliquer
-Madame, si tu es fâchée il faut t’acheter une voiture. Pour l’heure, pousse-toi.

La dame monte à nouveau sur ses grands chevaux. Maudit l’apprenti. Le traite de tous les noms: Raté, mal éduqué, analphabète, bandit, délinquant, drogué. L’apprenti se tape bien sa cigarette sans trop la calculer. Il connait la fin du film. Elle va parler comme elle le veut, le traiter de Tony Montana, de Pololo, ou D’El Chapo, finalement elle va faire de la place et c’est tout ce qui l’importe. Ainsi pensé ainsi fait. Tout rentra dans l’ordre après intervention du chauffeur qui balança deux mots à son apprenti en lui demandant de respecter les clients. Confu, il présenta ensuite ses excuses à la dame qui pardonna en signe de respect pour le mois béni, dit elle. Tout étant régler, le Sotrama, pris la direction de Kalaban, sa destination.
La nuit du destin est passée. Ces derniers jours, contrairement aux premiers qui étaient très ensoleillés, sont moins pénibles grâce à la fraîcheur due à l’hivernage qui s’annonce. Partout à Bamako, c’est la préparation pour la fête. « Raïda », théâtre de cette scène est plus débordé que d’habitude. Raïda qui signifie littéralement en bambara, la bouche des rails, peut se traduire en français par devant, ou au bord des rails. C’est un endroit qui longe de quelques kilomètres une partie du chemin de fer et qui représente pour Bamako une véritable place tournante. Centre incontournable de commerce et de transports communs, Raïda est à Bamako ce que le marché d’Adjamé est à Abidjan. Comme à chaque approche de fête, il est plein à craquer de monde. Les vas-et-viens entre les différentes communes et cet endroit sont incontrôlables. Un moment juteux pour les chauffeurs de sotrama, et de taxi, qui roulent non stop, le sourire au lèvre, car à la descente, la recette gonfle les poches.

Le couturier Moukaïla, duquel nous avons parlé dans la deuxième partie est désormais libre. Après presque un mois de nuits blanches, ses clientes ont été satisfaites. Il leur rends leurs habits de fête en empochant fièrement les restes de ce qu’elles lui doivent.

Les jeunes, sont joyeux. On repense au grin qui vont recommencer à se former autour du thé. Les matchs qui auront pour spectateurs seulement que quatre murs se préparent, car ce sera bientôt onze autres mois pour aller comme on le veut, de façon libre au septième ciel.
Qu’est ce qu’on attend pour la fête?…hum, Eurêka! La lune. Je sais que quelqu’un la verra à tous les coups, même si le ciel devient aussi sombre que le gouffre 😃. Alors BONNE FÊTE DE RAMADAN 2016 à toutes et à tous.

Explication de mots

Sotrama : équivalent de gbaka, en côte d’ivoire. Véhicules verts de transport urbain répandus dans tout Bamako. Le sigle Sotrama qui était à l’origine Société de Transport Malienne est resté sur ces minibus même si la société n’existe plus.

Pololo :Célèbre gangster ivoirien, tuer en 2000 par le régime du général Robert Guéi. Créateur de la dance du logobi.


Les dents stridentes du ramadan (quatrième partie)

Je connaissais la condition, la seule, avant qu’elle ne la dise : que son nom reste dans l’anonymat. Ce n’était pas un souci pour moi. Madame X commença alors, avec un air plus amusé que sérieux, le récit de l’histoire que je pris soin d’enregistrer.

Témoignage de Madame X

« Tout a commencé cinq jours avant le mois de jeûne de l’année dernière. Pour une histoire d’argent, Monsieur ne me parlait plus. Le ramadan s’annonçait et vu que pendant ce mois tout devient exorbitant sur le marché, je lui avais demandé de doubler l’argent de la popote qui était de 1500 francs Cfa. Il s’écria en déclarant que 3000 francs Cfa pour le marché, c’était énorme ! Malgré toutes mes tentatives pour qu’il comprenne, ce fut peine perdue. Il ne m’écoutait pas. « Avec 1500 franc Cfa, on ne pourra pas bien manger chéri » avais-je dit. « Alors ne mangeons pas bien » Voici la réponse qu’il m’a sortie. Je ne suis qu’une ménagère moi. Je ne travaille pas. Qu’est-ce que je pouvais bien faire d’autre à part me résigner ? On fera alors comme il a dit, je me suis dit. Le ramadan débuta et comme prévu, tout devint cher. Après avoir bouffé pendant six à sept jours, ce fameux « alors ne mangeons pas bien » se concrétisa. Lui-même décida de me donner les 3000 Cfa que j’avais demandé au départ, afin de « alors, manger bien ». Et pour ce titre de donneur de trois malheureux billets de milles franc Cfa comme prix de popote, Monsieur ne me laissait plus respirer. Les questions s’abattaient sur moi comme à un interrogatoire à chaque rupture. Pourquoi la viande est comme ci, pourquoi le riz est comme ça ? Pourquoi n’as tu pas fait ceci au lieu de ça ? Je n’aime pas cette sauce que tu as faite. Je ne peux pas te donner 3000 francs pour manger de la merde Ok ! Je ne comprends pas ton attitude. 

– Comment ça c’est de la merde ?

– Comme ça c’est de la merde ! Avant d’ajouter : Si tu es incapable de me faire à manger comme une femme digne du nom doit le faire pour son mari, tu peux rentrer chez toi, il y a beaucoup de filles dehors qui sont en quête d’un foyer. »

J’étais excédée. J’avais du mal à le croire. Une telle déclaration, émaner de lui ! C’était un peu comme s’il m’avait planté un poignard dans le dos.

C’est à moi que tu dis cela ?

C’est quoi cette question bête? Tu veux une réponse idiote, c’est ça… Nous sommes deux ici non! A qui d’autre pourrais-je bien m’adresser ?

Notre discussion aussitôt tournait en une violente dispute car j’en avais marre. Au bout de cinq jours, il envoya quelqu’un dire aux miens qu’il voulait divorcer. Les parents de part et d’autres se réunirent. Un consensus finalement fut trouvé. J’étais à deux doigts du divorce mais Dieu merci, tout est rentré dans l’ordre.

Pourquoi et Comment j’ai rencontré cette femme?

J’étais assis au quartier. A quelques mètres de certaines femmes du voisinage qui conversaient. Quelques bribes de leur propos parvenaient à mes oreilles de petit curieux. Était-ce moi qui tendais mes pavillons afin de mieux écouter ou les mots qui venaient librement ? La question reste posée. Ces femmes qui m’étaient familières parlaient sans crainte. Elles montraient leur indignation concernant la cherté des prix depuis le commencement du mois de ramadan. « On en a marre », protestaient certaines, affirmant qu’elle ne reconnaissant plus ce Mali d’aujourd’hui. Ce pays devenu invivable. Où tout est cher : l’oignon, la mangue (produit par le pays) et pleins d’autre denrées comme le citron, indispensable pour la cure de beaucoup de Malien. Ce qui les agaçait le plus était le prix du kilo de viande.

Ce n’est pas du tout possible, s’écria l’une d’entre-elle… marcher sur la viande en l’achetant à prix d’or ! Il n’y a que dans ce pays tout pourri que cela est possible.

Ce Mali où le mois béni est un moment spirituel pour certains qui recherchent la piété pendant que ces petits voyous économiques (parlant des commerçants) en profitent pour essayer de s’enrichir en haussant les prix après avoir stocké des tonnes de marchandises.

Cela ne peut pas continuer, déclarait l’une.

Mais… où sommes-nous enfin ? questionna une autre.

Le sujet m’intéressait. On en parlait tellement à Bamako que j’avais jugé urgent d’écrire là dessus. La causerie devenait tellement intéressante que l’une des femmes a révélé que pendant le ramadan 2015, sa cousine avait failli perdre son foyer. Les femmes s’écriaient. Elles connaissaient la cousine en question. Savaient qu’elle avait eu des moments très tendus avec son mari qui avaient failli conduire au divorce après deux ans de mariage, mais n’avaient jamais su que la cause était lié au ramadan. Ma voisine, une femme de plus d’une trentaine d’année, avec laquelle je parlais de tout et de rien était parmi elles. Je devais rencontrer cette femme coûte que coûte. Fallait qu’elle m’en dise plus concernant cette histoire. Bien que ce ne fut pas facile, ma voisine, qui servait d’intermédiaire, a réussi à faire comprendre à la dame l’enjeu de mon entretien en expliquant que le problème ne se limitait pas qu’à elle seule d’où l’importance d’en parler.

La cherté des produits pendant le ramadan au Mali est une réalité. On y pense peut être pas, mais cette situation crée des querelles qui parfois peuvent conduire au pire au sein de pas mal de foyers.

 


Les dents stridentes du ramadan (troisième partie)

Muézzin annonçant l'heure de la rupture du jeûne. Flickr
Muezzin annonçant l’heure de la rupture du jeûne. Flickr

Les milles et une bouffe de la rupture

On vérifie sa montre chaque dix minutes. Il est presque 18 heures, enfin. Les visages s’illuminent. On jette un coup d’œil de temps à autre vers la cuisine où maman, aidée de quelques filles de ménages, s’active pour la préparation du repas. La journée à été pénible avec son soleil accablant. On en parle partout comme si jeûner était une compétition. Fier de soi-même, on se tape la poitrine, en se permettant de dire à ceux qui n’ont pas jeûné qu’ils sont de gros vauriens comme Ali qui était en pleine discutions instantanée hier jusqu’à trois heure du mat avec sa Juliette Fatim. Ali avait répondu à son frère Boubacar, alors que ce dernier lui avait demandé de se lever pour le souhour : « Je ne pourrai pas jeûner aujourd’hui, wallahi, je ne me sens pas bien » alors qu’il n’a rien. Ali sait que, même s’il n’est pas en carême, les milles et une bouffes de la rupture ne lui échapperons pas. Boubacar, lui, a passé l’épreuve de la journée, il a déjà pris son bain. Serein, pour le festin qui étouffera enfin sa faim. Le père, assit sur un tapis en face du tablier qui accueillera le repas, égraine son chapelet. Dix huit heures vingt cinq. La joie se ressent sur les visages. On sait que le muezzin ne tardera pas à donner le « coup d’envoi ». Le visage du père est interrogateur. Que fait sa femme jusqu’à présent ? Il y a-t-il un souci avec les milles et une bouffe ? Il va falloir en tout cas qu’elle se dépêche, sa patience a des limites. Voyons, tout cela veut dire quoi ? C’est l’heure de dire à l’estomac de dégager du talon et jusque là, elle fout quoi de bon ? Ce n’est pas du tout islamique ces manières là ! Il était prêt à extérioriser toutes ces pensées afin que sa femme se dépêche, lorsqu’enfin…

Les milles et une bouffe arrivaient

Fleuve de lait et de Bouillie de mile par ici. Tonne de Poulets rôtis par là. Attiéké de bonne qualité venu tout droit de la Côte d’Ivoire. Soupe de patte de bœuf, pain kilométrique et riz à la sauce « fakohi». Kebab, et Chawarma pour ajouter une touche européenne au repas. Les fruits aussi ne manquaient pas au rendez vous. Plusieurs grappes de banane douce à gauche, ananas et dattes communément appelé « tamaro », à droite. Et pour couronner le tout, un bon lot de breuvage composé d’eau glacé, de tisane, jus de gingembre, de bissap et un casier de sucreries (jus de pomme, coca cola, sprit, fanta, selon les goûts de chacun.) Ils diront que j’exagère! mentir? je connais pas. Je suis en jeûne moi, vous croyez quoi?
Enfin, il est l’heure. Le muezzin à commencé à déchirer l’atmosphère de sa voix puissante et mélodieuse. Tout le monde est content. On va enfin faire subir aux milles et une bouffe le massacre tant attendu.

Première mi-temps
Elle n’est pas aussi tendue que le mot. Des verres d’eaux traversent les gorges pour commencer. Quelques dattes sont bien bouffées. On se balance des astuces afin de mieux jouer la deuxième mi-temps qui se caractérise par le faite de bien beaucoup manger.
– Frère, je te conseil de boire d’abord une bonne tisane de kenkelibaa. Tu verras, cela te ferra bouffer comme quatre.
– Ah bon ! Merci pour cette astuce mon frère.
C’est avec du bon kenkelibaa bien chaud, accompagné de froufrou  que la première mi-temps s’achève.
Deuxième mi-temps
Elle commence après la prière du crépuscule. « Des galamans» font des vas et vient entre la bouche et un gros récipient contenant la bouillie de mille. On boit et boit encore sans modération et sans regarder le voisin. On adore bien cette bouillie que maman a faite. Une fois vidé, on se précipite sur le thermos. Il peut contenir quatre à cinq litres d’eau chaude et est à la porté de tous. Lipton, lait concentré, nescafé se mélangent selon les préférences de chacun pour se retrouver ensuite au fond des estomacs. Cette deuxième partie ne peut se jouer sans le délice numéro un du Malien. Vous avez deviné ce que sait ? « le thé». Un bon premier se fait avaler à coup de chlrrrrrrrrrrrrrr, avant d’attaquer les fruits (surtout la banane douce) pour ensuite faire une nouvelle pause. Le match continuera après la deuxième prière du soir.

Prolongation

Au retour de la mosquée, on se repose un tout petit peu. Une quinzaine de minute après, le coup d’envoi est donné à nouveau. Cette dernière partie est encore plus tendue que la deuxième. Les ventres prennent du volume. On s’empiffre tellement que le chawarma va dire à l’attiéké : vient bro, il y a encore de la place. Le poulet regarde le poisson et lui dire bien où quoi frère ? Allez place toi de ce côté. Une véritable fraternité alimentaire dans le ventre du jeûneur. Pendant que les aliments lourds se réfugient dans l’estomac, d’autres arrivants, plus légers, s’écrient tout poliment :
– On peut passer s’il vous plait ? On va directement dans le sang, nous.
Les ventres sont pleins pendant que la bouffe traîne encore. On veut en rajouter mais on est rassasié. Marcher devient tout un problème.

Je suis arbitre auto-proclamé : carton jaune !  Mois du « manger comme jamais » ou de modération ?

Mon objectif ici n’est pas de faire le prêcheur tout en essayant de m’ériger en donneur de leçons, mais je crois qu’il est important qu’on appelle les choses par leur nom. Le gaspillage est le quotidien de beaucoup de Maliens. On tient compte de sa faim momentanée pour préparer plus qu’on ne peut finir. Du coup, pour nombreux, le ramadan signifie manger sans retenu au repas de l’Iftar (rupture du jeûne) parce qu’on a pas mangé de toute la journée. Oubliant du coup que le but de ce mois est de nous faire passer une épreuve : celle de la modération. C’est regrettable. Les poubelles sont les plus grandes bénéficiaires, puisqu’elles se réjouissent de savoir qu’à chaque rupture, elles seront pleines. Le ramadan n’est pas le mois du gaspillage. Évitons l’excès. Pensons aux autres. Au-delà d’une épreuve religieuse, ce mois est un aperçu de ce que beaucoup de démunis vivent au quotidien. Un mois pour certains, égale douze mois pour d’autres. Alors modération, modération, modération ! Salam alaykoum.

 

Explication des mots en rouge.

Kenkelibaa: tisane africaine.

Bro: Contraction de l’anglais brother signifiant frangin, frère.

Fakohi: Sauce très consommée au Mali, fait à basse de poudre d’une feuille appelé « sonfonboulou »

Froufrou: Petits gâteaux sous forme de boulette, fait à base de mile. Grillé parfois avec de l’huile industrielle où avec du beurre de karité.

Galaman:  Corps d’une semence plantée pendant l’hivernage (tout comme la calebasse).Une fois le contenu consommé, le reste, sous forme de louche, sert a boire la bouillie. Aujourd’hui nous avons des galamants en plastiques.

Chlrrrrrrrrrrrrrr : Bruit qui se fait entendre quand on boit du thé chaud en tirant doucement pour ne pas se brûler la langue


Les dents stridentes du ramadan (deuxième partie)

Atelier du couturier Moukaila Cissé Hamed. à Djélibougou Doumanzanan(Bamako)
Atelier du couturier Moukaila Cissé Hamed. à Djélibougou Doumanzanan(Bamako)

Les couturiers face à la pression des femmes.

Pour cette deuxième partie des dents stridentes du Ramadan, j’ai fait un tour à l’atelier de Moukaila Cissé Hamed. Couturier exerçant à Doumazana Petit Paris, (Djélibougou Bamako).

Mon arrivé sur les lieux a coïncidé avec la présence de deux femmes. Il était huit heures du matin. D’une mine pas du tout intéressante à voire, reflétant la fatigue occasionné par le manque de sommeil (déjà à quelque jours du début de ce championnat de nuit blanche pour lequel il aurait dû se préparer), l’un des apprentis d’une façon nonchalante, me fit asseoir sur une chaise, pour ensuite reprendre le nettoyage des lieux avant que le patron n’arrive. Quelques minutes après, ce dernier est enfin là. Il gare à peine sa moto que les femmes s’acharnent sur lui avec cette technique d’expression qu’elles font passer pour de la plaisanterie mais qui en réalité camoufle une véritable mise en garde. L’une commence:  « Hamed, voici le pagne pour lequel, je t’avais appelé la dernière fois. Le ramadan a commencé il y a seulement quelques jours. Cette année, tu ne me diras pas que c’est moi qui ne l’ai pas envoyé tôt. Tu n’auras pas d’excuses c’est clair. Alors, finis mon complet sinon ça va chauffer oh! »  Une autre : « Hamed, j’ai durée ici dèh ! Depuis 7 heures, je suis là, demande à tes apprentis (comme si quelqu’un avait dit le contraire).En tout cas voici mon pagne, fais vite cette année là dèh, sinon…Hum ». Comme toute attente, il les rassure en ces termes: « OK, OK, j’ai compris, ne vous en faites pas, je ferai de mon mieux. Incha Allah, tout le monde sera satisfait dans une ou deux semaines. »

-Quoi! Deux semaines wa! S’exclama la deuxième femme. Voilà, ça recommence encore. Après c’est pour dire trois ou quatre.

-Hééé pardon, calme toi! Je t’ai dis que ton travail sera achevé dans deux semaines maximum, tu aimes trop les histoires toi là, répliqua-t-il avec un sourire aux coins des lèvres.

-Ce n’est pas une question d’aimer les histoires ou pas oh. Tu as intérêt à le finir vite en tout cas.

-D’accord, d’accord, j’ai compris.

Le couturier est habitué à cette ambiance. Il connait trop les femmes et leur bouche. Pour avoir la paix afin de mieux respirer, mieux vaut ne pas les contredire. Comme le diraient les Bambara : « C’est dire NON! qui est source de conflit.» La pression des dames avait fait qu’il n’avait pas tout de suite remarqué ma présence. Du coup :

-Jeune homme ça va ? Mes femmes là me fatiguent trop, désolé.

-Pas de quoi.

-Ok excuse-moi, je finis avec elles, et je viens pour notre entretien.

-Pas de problème.

Après les avoir libérées, suite à un autre tohu-bohu, commença enfin notre entrevue.

Bien qu’étant à sa quinzième année dans le métier, le trentenaire n’a pas caché le stress qu’il ressent à chaque fois que le ramadan approche. Si pour certains c’est un mois de repos, pour lui et ses collègues dit-il, c’est celui du coudre “comme jamais“. Un mois de pression, de dur labeur, de nuits blanches.

Les raisons de ce stress selon le couturier :

« Pendant le ramadan les commandes sont nombreuses. Les femmes sont exigeantes aussi. Je bosse de huit heures à quatre heures du matin. Je dors à peine, moins de trois heures de temps, car lorsque je rentre à la maison, je dois attendre le petit déjeuner du souhour. Obligé de dormir après la prière du matin (5h30mn) pour me réveiller à 7 heures, donc très dur en vérité ». L’homme explique que parfois c’est difficile de finir les commandes. Ce qui est une source à 90% sûre de quelques problèmes avec les clientes (pour preuve, il m’a rappelé l’agitation des femmes tout à l’heure).

-Tu n’a pas vu leur caractère avant même le commencement du travail! Imagine-toi que l’une d’entre elles vienne trouver son complet inachevé après les deux semaines. Ne serai-je pas mort dans le film? Ce n’est pas du tout facile frère, on fait avec.

-Pourquoi prenez vous assez de pagne, sachant bien que vous ne pouvez pas les finir ?

-Non, réplique t-il, énergiquement. Nous les prenons parce que nous pouvons les finir. Seulement, il y a des imprévus, des circonstances qui font que nous ne les finissons pas et c’est ce que les clientes ignorent ou connaissent mais refusent d’accepter. Le problème principal, et elles le savent très bien, est celui du délaissement délestage. Les coupures à Bamako, sont intempestives, alors que nous travaillons avec du courant. Il faut être dans le métier pour le comprendre : une heure de coupure d’électricité peut jouer énormément sur notre emploi du temps. Parmi ces imprévus, on peut aussi avoir un voyage obligatoire, ou tomber malade. Voilà! Et mieux vaut arrêter de travailler pour se soigner que de s’entêter pour s’achever. Il arrive parfois qu’on refuse des pagnes quand on sait que les commandes ont atteint un nombre considérable, mais certaines clientes qui aiment bien ce qu’on fait nous obligent à le prendre avec cette astuce de nous filer une avance alléchante. « Qui n’aime pas l’argent ? » (rire), avant de continuer  : « cette avance nous oblige à finir le travail sinon c’est les prises de bec ».
Le couturier explique que parfois c’est difficile, des pagnes se perdent car sur une soixantaine de complets qu’il peut recevoir pendant le ramadan, plusieurs peuvent êtres identiques. La pression peut faire que le pagne de X soit remis à Y et vice versa. Si des clientes comprennent, pour d’autres ce n’est pas le cas, affirme t-il. C’est pourquoi nous faisons très attention avec les mesures et l’emplacement des pagnes. Bien qu’il ait déjà connu ce genre de situation, Hamed dit être optimiste même s’il sait qu’il faut s’attendre à tout dans ce métier. Parmi ses principes de travail, il ne reçoit plus de pagne à partir de 10 jours avant la fête de ramadan, car d’autres clientes attendent son approche pour envoyer leurs pagnes et ensuite imposer un bref délais.

J’ai pris congé du couturier qui nous a souhaité à tous un très heureux mois de jeûne.

A suivre…

 


Les dents stridentes du ramadan (première partie)

Bamako : Embouteillage sur l’axe terre-septième ciel

Pour cette première partie des dents stridentes du ramadan, parlons d’un phénomène qui mérite plus de bruit qu’on en fait (le fameux dernier coup).
Nous sommes à l’aube du mois de jeûne. Juste à un ou deux jours, vu que dans l’islam la date de son commencement dépend de l’apparition de la lune. Le grin ne se compose pas ce soir. Motif : tout le monde est à la chasse depuis la veille, samedi. Il faudrait ramener du gibier coûte que coûte. Voici la préoccupation des trois quarts des jeunes bamakois. Vous ne comprenez pas ? Bon voilà. Avant que vous ne croyez que nous sommes en train de parler de chasseurs avec des calibres douze en quête de biches ou de gazelles quelque part dans une forêt dense. Je vous explique : les chasseurs ici sont ces Libidineux, en quête de partie de jambe en l’air, pour clôturer disent-ils, tout ces mois de liberté libertinage qui précèdent le mois saint. Ces personnes qui pensent qu’un mois de chasteté c’est trop, comme s’il était interminable. C’est peut être incroyable mais faudrait voler au secours de la pauvre Bamako que la quasi-totalité des jeunes on tendance à transformer en un véritable trottoir à chaque fois que le mois saint s’annonce à l’horizon. Cette pratique n’est pas nouvelle. Chaque année c’est le même scénario. Celui de la bataille pour s’envoyer en l’air vaille que vaille avant les 72 heures qui précèdent le Ramadan. Des têtes à têtes très serrés afin d’attirer la proie ici, des coups de fils intenses par là. Va-et-vient interminable comme des chiens errants. C’est chaud partout. Personne, aucun jeune ne lâche l’affaire. Si Awa n’est pas là, on essaie d’emballer Adjaratou. Si cette dernière à son tour fait son intéressant, on se rabat sur Oumou. On ne l’aime pas mais on n’a pas le choix. On la trouve un peu pas à notre goût, moins belle, malpropre, tout le contraire d’Awa mais on se dit pour se soulager, qu’il faut se contenter du Kenkeliba quand on n’a pas le lait. L’heure n’est pas aux tris. Les minutes s’égrainent aussi vite que le chapelet de l’imam et faudrait se dépêcher car le dernier coup, c’est maintenant ou jamais après le ramadan (trop loin pour attendre). Si un ami nous dit qu’elle n’est pas le genre de meuf qu’il nous faut, ça répond sans gêne « qu’on n’a pas besoin d’eau propre pour éteindre son incendie » donc, “dernier coup“.

Beaucoup diront que ce ne sont que des mots, mais voici une réalité de notre société à l’approche de ce mois bénit. Les jeunes deviennent de véritables obsédés sexuels avec le cerveau dans le pantalon comme si l’appareil génital devrait prendre la place des neurones. Ça rode devant les demeures comme des hyènes. Objectif : avoir le fameux dernier coup avant d’entrer dans le mois saint comme si c’était impératif. Certains en font une priorité, ignorant carrément que c’est interdit pour un non marié en se disant qu’on ne le fait pas que pendant le Ramadan. Pour d’autres, qui par honnêteté avouent qu’ils savent que c’est défendu, c’est plutôt la faiblesse de la chair qui les emmène à le faire. Et s’ils ne peuvent pas s’en empêcher, au moins ils décident de respecter le Ramadan, donc avant qu’il ne soit là , sacré dernier coup!

Finalement on se demande si le plus important en cette période c’est de rechercher la concentration afin d’affronter cette épreuve qui constitue l’un des piliers de la religion musulmane, ou plutôt faire monter l’adrénaline? Tout le monde veut s’envoyer en l’air et sans ailes elles, c’est peine perdue. Décidément la fusée qui mène au septième ciel, sera bourrée ces dernières heures.

A suivre…

Ambiance à la veille du ramadan, image Xalimasn.com
Ambiance à la veille du ramadan, image Xalimasn.com

Rendez vous dans quelques jours, pour la deuxième partie des dents stridentes du ramadan 


Pétards de fêtards ou vacarmes d’armes?

Point rouge: region du bassassandra, sur la carte de cote d'ivoire
Point rouge: Situation géographique des villages Neka, attaqués le 1er janvier 2003 par des mercenaires.

Bonne année

Il était entre cinq heures et six heures du matin quand je me suis réveillé ce jour-là. Toujours assis sur la natte qui nous servait de lit, à mon petit frère et moi. Je m’étirais par ci par là comme du caoutchouc, toujours ensommeillé. Suivi d’un bâillement semblable à celui d’un lion affamé, je me suis levé pendant que dehors, dans la cité, les bruits retentissaient encore. Je dis encore, par ce qu’ils avaient débuté la veille. Nous étions le premier jour de l’an et comme de coutume, les pétards et feux d’artifices, dans la nuit du trente et un décembre, avaient été au rendez-vous pour dire au revoir à l’année qui venait de s’achever et célébrer la naissance de la nouvelle. Une tradition que l’on retrouve d’ailleurs un peu partout dans le monde. Tout comme les gosses de mon âge, j’aimais trop cette atmosphère. Il n’y avait rien de plus beau que voir le ciel devenir multicolore sous l’effet des feux d’artifices ou entendre un bruit de pétard semblable à celui des canons. On savait que cela déplaisait fort à nos parents qui préféraient le silence pour plus de quiétude mais c’était jour de fête et ces jours-là, tout était permis ou du moins, les parents étaient obligés d’être indulgents. Une dizaine de minutes après, j’étais sur un tapis de prière pendant que dans la cité, le festival de pétards continuait. Corps sur le tapis, esprit ailleurs, j’enviais ces fêtards, qui étaient décidés à prolonger le réveillon me disant tout bas : « Si seulement je pouvais avoir de pareils pétards ! ». Je savais que mes amis en seraient jaloux. J’aurais voulu en avoir deux gros, aux calibres inquiétants tout comme ceux que j’entendais actuellement et voir un peu leur tête de malheureux jaloux qu’ils feront en me voyant en possession de ces trésors. J’étais tellement pressé d’aller faire un tour dans la cité afin de mieux ressentir cette ambiance orchestrée par les pétards, que la prière, je la bâclais.

Pétards de fêtards, j’ai dit … ?

Quelque minutes après, nous prenions le petit déjeuner sur la véranda en famille, lorsque des bruits plus étranges se faisaient entendre. De bouche à oreille, nous avions vite appris que notre belle cité de Neka, venait de se faire attaquer par des mercenaires Libériens et que la gendarmerie sise à Grabo, la ville la plus proche, était là pour les repousser.

…Vacarmes d’armes plutôt 
Ma naïveté de l’époque ne m’a pas empêché de comprendre aussitôt que ce que je croyais être des pétards étaient en réalité des échanges de tirs entre les forces de l’ordre ivoiriennes et les auteurs de cette attaque. Je me suis rappelé du coup que les grandes personnes se parlaient beaucoup à voix basses ce matin avec des têtes synonymes d’énormes anxiétés. Je comprenais enfin. Pendant que je m’abusais en considérant ces bruits comme ceux d’explosifs, eux s’interrogeaient sur leur provenance. Partout dans la ville, les bruits s’accroissaient. On rentrait s’enfermer comme le faisait tout le voisinage. Maintenant les bruits étaient plus forts, vu qu’ils étaient plus proches. Il était sept heures et la cité était imprégnée d’assaillants. Dehors, seules les armes avaient la parole. Parfois, la terre tremblait sous l’effet des tirs d’armes lourdes. Mon père nous a demandé de nous coucher sur le ventre ou le dos afin d’avoir de forte chances d’éviter les balles perdues. J’éprouvais une grande peur, en me disant que peut être j’allais mourir et cette idée me perturbait, me harcelait. Mourir à cet âge, jamais! Je me disais, abusé, que la mort c’est pour les vieux. Je priais Dieu avec la plus grande sincérité que mon âme pouvait dégager. Parfois les visages devenaient joyeux un petit moment pour ensuite replonger dans la tristesse, car les armes ne tardaient pas à recrier après un instant de répit. Il était maintenant plus de huit heures trente minutes et le vacarme d’armes dehors n’avait pas pris fin.
A partir de neuf heures, les armes se calmaient enfin. On sortait enfin de la maison, qui depuis ce matin avait été une sorte de prison forcée. Ces ennemis de la paix avaient choisi ce jour pour mieux toucher la population. Il savait que la majeure partie des gens seraient à fond dans la fête. La bravoure des forces de l’ordre était cependant à saluer car la riposte pour amortir le pire ne s’était pas faite attendre. Partout, la situation était le sujet principal des discutions. Sur la Radio France Internationale, et plusieurs autres médias du pays, on ne parlait que de ce triste début d’année pour la pauvre cité de Neka.