Les dents stridentes du ramadan (quatrième partie)

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Les dents stridentes du ramadan (quatrième partie)

Je connaissais la condition, la seule, avant qu’elle ne la dise : que son nom reste dans l’anonymat. Ce n’était pas un souci pour moi. Madame X commença alors, avec un air plus amusé que sérieux, le récit de l’histoire que je pris soin d’enregistrer.

Témoignage de Madame X

« Tout a commencé cinq jours avant le mois de jeûne de l’année dernière. Pour une histoire d’argent, Monsieur ne me parlait plus. Le ramadan s’annonçait et vu que pendant ce mois tout devient exorbitant sur le marché, je lui avais demandé de doubler l’argent de la popote qui était de 1500 francs Cfa. Il s’écria en déclarant que 3000 francs Cfa pour le marché, c’était énorme ! Malgré toutes mes tentatives pour qu’il comprenne, ce fut peine perdue. Il ne m’écoutait pas. « Avec 1500 franc Cfa, on ne pourra pas bien manger chéri » avais-je dit. « Alors ne mangeons pas bien » Voici la réponse qu’il m’a sortie. Je ne suis qu’une ménagère moi. Je ne travaille pas. Qu’est-ce que je pouvais bien faire d’autre à part me résigner ? On fera alors comme il a dit, je me suis dit. Le ramadan débuta et comme prévu, tout devint cher. Après avoir bouffé pendant six à sept jours, ce fameux « alors ne mangeons pas bien » se concrétisa. Lui-même décida de me donner les 3000 Cfa que j’avais demandé au départ, afin de « alors, manger bien ». Et pour ce titre de donneur de trois malheureux billets de milles franc Cfa comme prix de popote, Monsieur ne me laissait plus respirer. Les questions s’abattaient sur moi comme à un interrogatoire à chaque rupture. Pourquoi la viande est comme ci, pourquoi le riz est comme ça ? Pourquoi n’as tu pas fait ceci au lieu de ça ? Je n’aime pas cette sauce que tu as faite. Je ne peux pas te donner 3000 francs pour manger de la merde Ok ! Je ne comprends pas ton attitude. 

– Comment ça c’est de la merde ?

– Comme ça c’est de la merde ! Avant d’ajouter : Si tu es incapable de me faire à manger comme une femme digne du nom doit le faire pour son mari, tu peux rentrer chez toi, il y a beaucoup de filles dehors qui sont en quête d’un foyer. »

J’étais excédée. J’avais du mal à le croire. Une telle déclaration, émaner de lui ! C’était un peu comme s’il m’avait planté un poignard dans le dos.

C’est à moi que tu dis cela ?

C’est quoi cette question bête? Tu veux une réponse idiote, c’est ça… Nous sommes deux ici non! A qui d’autre pourrais-je bien m’adresser ?

Notre discussion aussitôt tournait en une violente dispute car j’en avais marre. Au bout de cinq jours, il envoya quelqu’un dire aux miens qu’il voulait divorcer. Les parents de part et d’autres se réunirent. Un consensus finalement fut trouvé. J’étais à deux doigts du divorce mais Dieu merci, tout est rentré dans l’ordre.

Pourquoi et Comment j’ai rencontré cette femme?

J’étais assis au quartier. A quelques mètres de certaines femmes du voisinage qui conversaient. Quelques bribes de leur propos parvenaient à mes oreilles de petit curieux. Était-ce moi qui tendais mes pavillons afin de mieux écouter ou les mots qui venaient librement ? La question reste posée. Ces femmes qui m’étaient familières parlaient sans crainte. Elles montraient leur indignation concernant la cherté des prix depuis le commencement du mois de ramadan. « On en a marre », protestaient certaines, affirmant qu’elle ne reconnaissant plus ce Mali d’aujourd’hui. Ce pays devenu invivable. Où tout est cher : l’oignon, la mangue (produit par le pays) et pleins d’autre denrées comme le citron, indispensable pour la cure de beaucoup de Malien. Ce qui les agaçait le plus était le prix du kilo de viande.

Ce n’est pas du tout possible, s’écria l’une d’entre-elle… marcher sur la viande en l’achetant à prix d’or ! Il n’y a que dans ce pays tout pourri que cela est possible.

Ce Mali où le mois béni est un moment spirituel pour certains qui recherchent la piété pendant que ces petits voyous économiques (parlant des commerçants) en profitent pour essayer de s’enrichir en haussant les prix après avoir stocké des tonnes de marchandises.

Cela ne peut pas continuer, déclarait l’une.

Mais… où sommes-nous enfin ? questionna une autre.

Le sujet m’intéressait. On en parlait tellement à Bamako que j’avais jugé urgent d’écrire là dessus. La causerie devenait tellement intéressante que l’une des femmes a révélé que pendant le ramadan 2015, sa cousine avait failli perdre son foyer. Les femmes s’écriaient. Elles connaissaient la cousine en question. Savaient qu’elle avait eu des moments très tendus avec son mari qui avaient failli conduire au divorce après deux ans de mariage, mais n’avaient jamais su que la cause était lié au ramadan. Ma voisine, une femme de plus d’une trentaine d’année, avec laquelle je parlais de tout et de rien était parmi elles. Je devais rencontrer cette femme coûte que coûte. Fallait qu’elle m’en dise plus concernant cette histoire. Bien que ce ne fut pas facile, ma voisine, qui servait d’intermédiaire, a réussi à faire comprendre à la dame l’enjeu de mon entretien en expliquant que le problème ne se limitait pas qu’à elle seule d’où l’importance d’en parler.

La cherté des produits pendant le ramadan au Mali est une réalité. On y pense peut être pas, mais cette situation crée des querelles qui parfois peuvent conduire au pire au sein de pas mal de foyers.

 

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