Pétards de fêtards ou vacarmes d’armes?

Article : Pétards de fêtards ou vacarmes d’armes?
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30 mai 2016

Pétards de fêtards ou vacarmes d’armes?

Point rouge: region du bassassandra, sur la carte de cote d'ivoire
Point rouge: Situation géographique des villages Neka, attaqués le 1er janvier 2003 par des mercenaires.

Bonne année

Il était entre cinq heures et six heures du matin quand je me suis réveillé ce jour-là. Toujours assis sur la natte qui nous servait de lit, à mon petit frère et moi. Je m’étirais par ci par là comme du caoutchouc, toujours ensommeillé. Suivi d’un bâillement semblable à celui d’un lion affamé, je me suis levé pendant que dehors, dans la cité, les bruits retentissaient encore. Je dis encore, par ce qu’ils avaient débuté la veille. Nous étions le premier jour de l’an et comme de coutume, les pétards et feux d’artifices, dans la nuit du trente et un décembre, avaient été au rendez-vous pour dire au revoir à l’année qui venait de s’achever et célébrer la naissance de la nouvelle. Une tradition que l’on retrouve d’ailleurs un peu partout dans le monde. Tout comme les gosses de mon âge, j’aimais trop cette atmosphère. Il n’y avait rien de plus beau que voir le ciel devenir multicolore sous l’effet des feux d’artifices ou entendre un bruit de pétard semblable à celui des canons. On savait que cela déplaisait fort à nos parents qui préféraient le silence pour plus de quiétude mais c’était jour de fête et ces jours-là, tout était permis ou du moins, les parents étaient obligés d’être indulgents. Une dizaine de minutes après, j’étais sur un tapis de prière pendant que dans la cité, le festival de pétards continuait. Corps sur le tapis, esprit ailleurs, j’enviais ces fêtards, qui étaient décidés à prolonger le réveillon me disant tout bas : « Si seulement je pouvais avoir de pareils pétards ! ». Je savais que mes amis en seraient jaloux. J’aurais voulu en avoir deux gros, aux calibres inquiétants tout comme ceux que j’entendais actuellement et voir un peu leur tête de malheureux jaloux qu’ils feront en me voyant en possession de ces trésors. J’étais tellement pressé d’aller faire un tour dans la cité afin de mieux ressentir cette ambiance orchestrée par les pétards, que la prière, je la bâclais.

Pétards de fêtards, j’ai dit … ?

Quelque minutes après, nous prenions le petit déjeuner sur la véranda en famille, lorsque des bruits plus étranges se faisaient entendre. De bouche à oreille, nous avions vite appris que notre belle cité de Neka, venait de se faire attaquer par des mercenaires Libériens et que la gendarmerie sise à Grabo, la ville la plus proche, était là pour les repousser.

…Vacarmes d’armes plutôt 
Ma naïveté de l’époque ne m’a pas empêché de comprendre aussitôt que ce que je croyais être des pétards étaient en réalité des échanges de tirs entre les forces de l’ordre ivoiriennes et les auteurs de cette attaque. Je me suis rappelé du coup que les grandes personnes se parlaient beaucoup à voix basses ce matin avec des têtes synonymes d’énormes anxiétés. Je comprenais enfin. Pendant que je m’abusais en considérant ces bruits comme ceux d’explosifs, eux s’interrogeaient sur leur provenance. Partout dans la ville, les bruits s’accroissaient. On rentrait s’enfermer comme le faisait tout le voisinage. Maintenant les bruits étaient plus forts, vu qu’ils étaient plus proches. Il était sept heures et la cité était imprégnée d’assaillants. Dehors, seules les armes avaient la parole. Parfois, la terre tremblait sous l’effet des tirs d’armes lourdes. Mon père nous a demandé de nous coucher sur le ventre ou le dos afin d’avoir de forte chances d’éviter les balles perdues. J’éprouvais une grande peur, en me disant que peut être j’allais mourir et cette idée me perturbait, me harcelait. Mourir à cet âge, jamais! Je me disais, abusé, que la mort c’est pour les vieux. Je priais Dieu avec la plus grande sincérité que mon âme pouvait dégager. Parfois les visages devenaient joyeux un petit moment pour ensuite replonger dans la tristesse, car les armes ne tardaient pas à recrier après un instant de répit. Il était maintenant plus de huit heures trente minutes et le vacarme d’armes dehors n’avait pas pris fin.
A partir de neuf heures, les armes se calmaient enfin. On sortait enfin de la maison, qui depuis ce matin avait été une sorte de prison forcée. Ces ennemis de la paix avaient choisi ce jour pour mieux toucher la population. Il savait que la majeure partie des gens seraient à fond dans la fête. La bravoure des forces de l’ordre était cependant à saluer car la riposte pour amortir le pire ne s’était pas faite attendre. Partout, la situation était le sujet principal des discutions. Sur la Radio France Internationale, et plusieurs autres médias du pays, on ne parlait que de ce triste début d’année pour la pauvre cité de Neka.

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Commentaires

Harouna sacko
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Je suis fier de toi mon frère...

issbill
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Merci frère. Cool de ta part d’être passé.

Zoz
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Très doux et beau dans sa forme

issbill
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Merci vieux!